BIO-CONSTRUCTION

MEXIQUE


J'ai passé plus de deux mois au Mexique avec l'objectif initial d'approfondir mes connaissances en bio-construction, mais j'ai fini par découvrir bien plus que cela. Mon séjour peut être divisé en trois missions très distinctes, chacune r'iches d'apprentissages culturels.

La première mission m'a amené à travailler avec une famille d'artistes et de volontaires au sein d'une communauté. La deuxième mission m'a conduit chez une personne vivant seule qui souhaitait promouvoir la bio-construction dans sa région. Enfin, la troisième mission s'est déroulée dans la jungle de Tulum. Chacune de ces missions se déroulait dans un environnement unique, que ce soit dans un désert rocheux près d'un canyon, dans les montagnes près de Colima, en contrebas d'un volcan, ou au cœur de la jungle.

La bio-construction est une méthode architecturale qui privilégie l'utilisation des ressources naturelles présentes dans l'environnement de construction. Elle encourage l'utilisation judicieuse des matériaux locaux. Par exemple, l'utilisation de feuilles de palmier peut être cohérente dans une jungle dense et humide, mais moins adaptée dans un désert rocheux. Pendant le processus de construction, il est essentiel de préserver l'environnement et de contribuer de manière significative au bien-être futur des habitants en améliorant leur qualité de vie au quotidien.

Première étape:

LAS CANAS


Las Cañas – Premiers pas au Mexique

Mon aventure a commencé à Las Cañas, un lieu reculé près de San Miguel de Allende. Le paysage était sec, rocailleux, presque lunaire, avec une vue spectaculaire sur un canyon et une montagne aride en toile de fond. C’est dans ce décor que nous avons rejoint une petite communauté locale, qui nous a accueillis avec chaleur, même si nous étions les seuls étrangers parmi les participants, venus de divers villages mexicains.

Notre mission était de construire un espace destiné à toute la communauté : un lieu d’échange et de partage pour les enfants, les habitants, et les artistes de passage. Nous étions une quinzaine au total, encadrés par deux figures clés du projet : Oscar, architecte et designer mexicain spécialisé en bio-construction, et Diego, son bras droit, qui partageait avec passion ses connaissances pratiques.

Construire avec la terre – découverte du bajareque

À Las Cañas, nous avons découvert la technique du bajareque, une méthode traditionnelle de bioconstruction proche du torchis que l’on retrouve en France, mais adaptée aux matériaux locaux. Oscar nous a appris à lire le sol, à identifier ce que la terre pouvait nous offrir, et à utiliser uniquement les ressources présentes sur place.

Le mélange que nous avons utilisé était composé de trois types de pierres, dont la pomasita, une pierre volcanique très légère qui s’intègre facilement à l’eau, de deux types de terre, de sable rocheux, de paille et même de vinaigre. Le tout formait une pâte robuste et malléable, parfaitement adaptée à la structure que nous construisions.

Le terrain de Las Cañas étant particulièrement sec, sablonneux et parsemé de roches, chaque matériau avait sa place et son utilité dans le processus. Rien n’était importé. Tout était collecté à la main, sur le site même, dans un esprit profondément ancré dans l’autonomie et la sobriété des moyens.

Technique : BAJAREQUE

La préparation du mélange est l’étape la plus physique. On commence par collecter les matériaux : trois types de pierres (dont la pomasita), deux terres, du sable, de la paille et du vinaigre. Le dosage se fait en seaux, selon des tests préalables. D’abord, les éléments secs sont mélangés dans une bassine, puis on ajoute progressivement l’eau et une partie de la paille.

Le mélange est ensuite transféré sur une bâche noire, piétiné à plusieurs reprises, avec ajout d’eau et du reste de la paille. On replie la bâche régulièrement pour homogénéiser le tout. Le mélange est prêt lorsqu’il devient pâteux, malléable, et tient bien sans s’effondrer.

Le mélange.

Pour construire les parois en bajareque, le mélange est appliqué de chaque côté de la structure, puis aplati en forme de U inversé pour exercer une pression vers le bas et assurer sa cohésion. Il est ensuite recouvert pour éviter un séchage prématuré.

Des lattes en bois renforcent la structure. Des trous peu profonds sont creusés dans le mur pour faciliter l’accroche et le tassement du mélange. La planéité du mur est vérifiée à l’aide d’une ficelle lestée.

Si le mur est trop épais, l’excédent est gratté avec une règle métallique ; s’il manque de matière, on complète et vérifie à nouveau avec la ficelle que tout est bien en contact et uniforme.

Le montage.

Préparation du toit.

La préparation des roseaux est essentielle pour la construction du toit. Ils sont d'abord triés selon leur taille et redressés, en écartant les plus courbés. Nettoyés à la machette pour retirer leur peau et égalisés, ils deviennent lisses et prêts à l’emploi.

La pose s’effectue sur une structure inclinée à 15°, permettant l’écoulement de l’eau. Une planche épaisse est temporairement fixée sur les traverses pour servir de support aux poseurs, qui fixent les roseaux côte à côte à l’aide de pistolets à agrafer. Une fois la base dense obtenue, une couche de plastique puis de plâtre vient achever l’étanchéité du toit.


Deuxième étape:

TIERRA DE LAS HADAS


Je suis arrivé dans un ranch au Mexique, nommé Tierra de Las Hadas, où Robert, qui y habite depuis de nombreuses années, m’a réservé un accueil très chaleureux. Niché au pied d’un volcan et dominant le village de Tonila, ce ranch situé en altitude bénéficie d’un climat plus tempéré, évitant les fortes chaleurs. Cependant, cette situation expose aussi à un risque d’incendie, surtout durant la saison de récolte de la canne à sucre, utilisée pour produire le mezcal local.

Le terrain de Roberto est bien structuré, avec une zone commune, une zone dédiée aux chantiers, et une autre réservée à la construction. Après avoir passé la majorité de son temps dans son van, il est aujourd’hui en train de bâtir sa maison, où il prévoit de vivre pour de nombreuses années. Il m’a transmis ses techniques de construction ainsi que les principes de la permaculture, partageant généreusement son savoir-faire avec moi.

Méthode de coffrage

Chez Roberto, qui est lui aussi passionné par la bio-construction, nous avons adopté une méthode différente de celle utilisée à Las Canas, appelée la méthode du coffrage. Cette technique consiste à fabriquer des coffrages composés de planches de contreplaqué renforcées par des lattes fixées sur les bords. Le mélange est préparé à l’avance, puis rapidement versé dans l’espace situé entre deux plaques maintenues de chaque côté du mur, avec une hauteur maximale de 60 cm pour pouvoir y glisser les bras complètement.

Après environ une heure de séchage, les coffrages sont retirés, dévoilant une surface de mur très lisse et d’épaisseur constante, sans qu’il soit nécessaire de mesurer cette épaisseur ni de corriger les éventuelles imperfections. Grâce à cette méthode, nous avons obtenu un mur parfaitement plat et uniforme.

À Tierra de las Hadas, le mélange destiné aux parois était composé de différentes pierres, de sable, de paille et d’eau, suivant le procédé classique du bajareque. La particularité résidait dans l’ajout d’argile noire, qui se ramollit au contact de l’eau, facilitant ainsi son incorporation aux autres ingrédients. Contrairement à Las Cañas, où le mélange se préparait en combinant simplement argile, terre et eau, ici la préparation était un peu différente.

Après avoir imbibé la paille avec le mélange, on la testait en la pinçant pour vérifier sa qualité et son adéquation pour la construction. La préparation du mélange était rendue plus simple grâce à l’usage d’outils tels qu’une perceuse équipée d’une mèche mixeuse. Une fois les deux mélanges prêts, on ajoutait un petit seau d’argile noire au mélange de terre pour obtenir un liant efficace. Ensuite, dans un espace délimité, la paille sèche était mélangée à la main avec ce mélange humidifié, jusqu’à obtenir une consistance prête à être utilisée pour les parois.

Préparation du mélange.

Création de vitraux.

Une méthode de construction alternative employée sur ce site consistait à réaliser des vitraux à partir de bouteilles de verre colorées. Pour cela, un petit atelier a été installé afin de préparer les bouteilles : elles ont été nettoyées, vidées, puis un morceau de charbon a été placé à l’intérieur pour éviter l’humidité. En alternative, un morceau de tissu était inséré et maintenu en place par un bouchon en liège.

Ensuite, des fils de fer étaient enroulés autour du col et du fond des bouteilles, permettant de les positionner dans le mur selon la disposition souhaitée. Du ruban adhésif était découpé parallèlement sur chaque côté des bouteilles pour délimiter les zones qui laisseraient passer la lumière. Avant cela, plusieurs essais de mélange avaient été réalisés, car la formule utilisée pour les murs n’adhérait pas assez aux bouteilles en raison de la présence de paille.

Une fois prêtes, les bouteilles étaient fixées aux lattes de la structure grâce aux fils de fer, puis le mélange était appliqué en commençant par le bas. Deux personnes se plaçaient de chaque côté de la paroi pour pousser vers l’extérieur, assurant ainsi le renforcement de la structure.

Les murs réalisés avec la méthode du bajareque présentent souvent un aspect brut et pailleux, mais ce n’est pas leur rendu final. Pour obtenir une surface lisse et colorée, une finition est appliquée une fois la construction terminée. Comment cela se passe-t-il ? Après que le mélange sec ait été posé pour former la paroi, une trame plastique très fine et serrée — similaire à celle utilisée dans les grands sacs de pommes de terre — est agrafée sur toute la surface du mur afin d’assurer une meilleure adhérence de l’enduit.

L’enduit est composé d’un mélange à base des mêmes matériaux que la paroi, auquel s’ajoutent du plâtre et d’autres ingrédients en fonction de la couleur et de l’effet souhaités. Deux couches d’enduit sont appliquées : la seconde est posée après séchage de la première, lorsque la couleur s’assombrit. Chaque couche est étalée uniformément à l’aide d’outils similaires à ceux des plaquistes, pour obtenir une épaisseur d’environ 2 mm par couche. Une fois la finition réalisée, l’épaisseur totale du mur atteint environ 18 cm.

Finitions.


Troisième étape:

SANCTUARIO TULUM


Mon dernier lieu de visite se trouve à l’exact opposé de ma précédente destination, sur la côte caribéenne du Mexique, dans une jungle proche de Tulum. Le sanctuaire de Tulum, créé par une communauté désireuse d’accueillir voyageurs, artistes et agriculteurs, est un lieu en harmonie avec la nature, ne fournissant que l’essentiel.

La seule construction collective est une cuisine en plein air, dont la structure est réalisée en terre séchée, destinée à la cuisson au feu de bois. Les conditions climatiques étaient très différentes de celles des missions précédentes, avec une chaleur accablante et une humidité nocturne dépassant les 94 %. Comme pour les autres projets, la technique de bio-construction utilisée s’adaptait aux ressources naturelles locales, notamment le bois de Zapote et les feuilles de palme.

Le bois de zapote est exclusivement utilisé pour toutes les infrastructures en raison de sa qualité supérieure, de sa résistance aux intempéries et de sa capacité à supporter de lourdes charges. Sans machines, les travailleurs grimpent sur les toits en s’appuyant sur les structures en zapote déjà installées. Ce bois possède naturellement une teinte orangée, qui paraît parfois plus intense sur les photos à cause du traitement appliqué.

Ce traitement, composé d’un mélange de vernis et de produits anti-insectes, bien que non naturel, est indispensable pour éviter la pourriture et protéger le bois des insectes, surtout que les structures sont constamment exposées aux éléments. Étant donné la grande quantité de bois utilisée, chaque pièce demande un long travail de peinture afin d’en garantir la durabilité.us ou autres attaches.

Pour tresser une feuille de palmier d’environ un mètre de long en bon état, on la divise en trois bandes. On plie ensuite les deux extrémités vers l’arrière, en réalisant un mouvement similaire à une tresse, en serrant bien pour assurer une tenue d’environ cinq ans. Chaque feuille se superpose partiellement à la précédente, en particulier au niveau de sa partie centrale (voir photo jointe). À chaque nouvelle pose, les feuilles sont décalées vers la droite ou vers la gauche afin de maximiser leur assemblage et empêcher la lumière ou la pluie de traverser le toit.

Lors de l’utilisation de la méthode de tressage des feuilles de palmier pour les toits, il est crucial de bien planifier leur montage afin de les positionner correctement sans les abîmer ni devoir redescendre souvent pour les ajuster. Sans grue ni équipement similaire, l’infrastructure repose sur un quadrillage en bois de zapote, avec une particularité : les traverses sont rapprochées à un endroit précis pour éviter que les feuilles ne bombent lors du tressage, assurant ainsi un toit plus lisse. Cette technique, indispensable pour les toits en pente, n’est pas nécessaire pour les murs, qui sont verticaux.

Pour hisser les feuilles jusqu’aux tresseurs, la méthode la plus simple consiste à attacher solidement une feuille à l’extrémité d’une corde, servant de support aux autres feuilles. Celles-ci sont ensuite placées autour de la corde sans être attachées. Les tresseurs tirent sur la corde et la fixent à la hauteur désirée pour commencer le tressage.

Le bois de zapote est exclusivement utilisé pour toutes les structures en raison de ses qualités remarquables en ébénisterie, sa résistance aux intempéries et sa capacité à supporter de lourdes charges. Sans machines, les ouvriers grimpent sur les toits en s’appuyant sur les structures en zapote déjà installées. Ce bois a une teinte orangée naturelle, qui paraît parfois plus vive sur les photos à cause du traitement appliqué.

Ce traitement, un mélange de vernis et de produits anti-insectes, bien que non totalement naturel, est indispensable pour protéger le bois de la pourriture et des insectes, surtout avec une exposition permanente aux éléments. Étant donné la quantité importante de bois utilisée, chaque pièce nécessite un long travail de peinture pour assurer sa durabilité.

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